Town of Glory

À quelques exceptions près, les citoyens de la petite ville de Yelnya, dans l'ouest de la Russie, élèvent leurs enfants pour qu'ils deviennent de bons patriotes. Seuls quelques-uns d'entre eux semblent se sentir mal à l'aise face à la militarisation inquiétante et généralisée de la société qui imprègne l'atmosphère depuis au moins 2014, année de l'annexion de la Crimée par la Russie. Un passé soviétique héroïque et un présent post-industriel misérable rendent cette ville de province vulnérable à la propagande anti-occidentale agressive du Kremlin, qui conduit à la militarisation de la société, de la maternelle à l'âge de la retraite. Tourné sur une période de trois ans, ce film présente aux spectateurs occidentaux la petite ville provinciale russe typique de Yelnya, où les gens admirent Vladimir Poutine pour avoir redonné sa grandeur à la Russie. Yelnya est restée économiquement marginalisée depuis l'effondrement de l'Union soviétique. Mais les habitants ont retrouvé leur fierté. Ils sont convaincus que le président Poutine redonne gloire et puissance à la nation russe. Peu de gens s'opposent à la propagande constante selon laquelle le fascisme menace à nouveau les États-Unis et l'Europe, et que la Russie doit se tenir prête à se défendre. TOWN OF GLORY dépeint l'impact de la propagande de guerre et la militarisation croissante de la jeunesse en Russie après le troisième mandat de Vladimir Poutine, à partir de 2012. Le réalisateur Dmitry Bogolyubov connaît Yelnya depuis presque toujours, car c'est là que vivait sa grand-mère. Yelnya est située à 400 kilomètres à l'ouest de Moscou, dans la région de Smolensk, et à 500 kilomètres au nord de la frontière russe avec l'Ukraine. Elle a servi de point de rassemblement pour le matériel militaire russe qui a probablement été envoyé en Ukraine en vue de l'invasion totale de la Russie à partir du 23 février 2023, ce qui rend le film encore plus poignant aujourd'hui. CONTEXTE HISTORIQUE En 1941, Yelnya a été le théâtre de violents combats entre l'armée soviétique et la Wehrmacht allemande. En quelques semaines, en août et septembre 1941, plus de 40 000 personnes ont perdu la vie dans ce que l'on appelle l'offensive de Yelnya. Premier revers important des troupes hitlériennes lors de leur opération « Barbarossa » contre l'Union soviétique, cette offensive revêtait une grande importance symbolique pour l'armée soviétique. En raison de cette histoire, Yelnya a toujours été un point central des commémorations russes de la Grande Guerre patriotique, alias la Seconde Guerre mondiale. Pendant plus de quatre ans de tournage, la « ville de la gloire » rappelle en permanence cette victoire. Elle constitue une base importante pour la cohésion de la société russe contemporaine, mais elle est aussi utilisée abusivement comme excuse pour la militarisation de nos jours. Le film est un portrait de la mémoire collective d'une ville entière et un reflet de la Russie contemporaine. Le film suit différents protagonistes du militarisme apparemment omniprésent de Yelnya : Masha, 16 ans, jeune fille solitaire et star des castings régionaux pour avoir chanté des chansons militaires ; Svetlana, sa mère patriote, arrogante et autoritaire ; et Sergey, qui rend la guerre visible en déterrant les ossements des soldats et leurs armes dans les champs et les forêts autour de Yelnya, en essayant de s'identifier émotionnellement aux personnes qui ont combattu ici il y a plus de 70 ans. Bogulyubov explique les raisons qui l'ont poussé à réaliser ce film : « Avec la montée des mentalités totalitaires en Russie et la détérioration des relations entre la Russie et l'Occident, nous voulons faire passer le message que les gens ordinaires sont d'abord et avant tout des victimes de la propagande de guerre. Celle-ci ne fait qu'engendrer des conflits militaires, des souffrances et des morts, quels que soient les pays et les nationalités. »